Les finances des collectivités locales sous pression


La Cour des comptes préconise une réduction des dépenses de fonctionnement des collectivités locales et des recettes octroyées par l’Etat. De son côté, le PLF 2025 abonde dans le même sens.

Au moment où la France est au pied du mur, confrontée à une explosion des déficits et une dette abyssale, la Cour des comptes a publié courant septembre un intéressant rapport dans lequel elle propose quelques pistes pour le moins radicales en vue d’inciter les collectivités locales à participer activement au redressement des finances de l’Etat.

Elle préconise des orientations choc pour faire contribuer les collectivités locales avec à la clef pas moins de 9 milliards d’euros d’économies et plus de 5 milliards de réduction des recettes, soit un effort à 14 milliards d’euros par an.

De quoi s’agit-il ?

L’institution constate ces dernière années une accélération des dépenses de fonctionnement des collectivités avec un écart croissant par rapport à la trajectoire financière sur laquelle l’Etat s’est engagé envers de Bruxelles. Ainsi, « en 2023, les dépenses de fonctionnement des collectivités ont augmenté de +6.1% à périmètre constant, en forte progression par rapport à 2022. Sur l’année 2024, à fin août, ces mêmes dépenses ont cru à nouveau de +5.4% à périmètre constant par rapport à la même période de 2023 ».

A Rodez (cf. Compte Financier Unique), les dépenses de fonctionnement 2023 ont connu une augmentation sans précédent de +12.30% (le double du niveau national) alors même que les charges de personnels sont restées stables. Cette forte hausse s’explique principalement par l’explosion des dépenses à caractère général de +40.5% en raison de la non maitrise des dépenses d’énergies +280% et des honoraires +367%. (principalement du fait du surcoût de F’Estivada). Ce défaut de maitrise des dépenses de fonctionnement démontre un manque réel de rigueur et de sérieux dans la gestion des finances de la ville, en totale contradiction avec les allégations du maire.

Face à cette explosion des dépenses de fonctionnement, la Cour suggère que « les collectivités participent activement à la réalisation des objectifs fixés par la loi de programmation des finances publiques. »

Une diminution des recettes des collectivités est aussi préconisée

La Cour des comptes propose également « une réduction directe des recettes des collectivités pour les inciter à mobiliser pleinement leur potentiel d’économies en dépenses réelles de fonctionnement. »

Les collectivités étant tenues de voter un budget de fonctionnement en équilibre, en réduisant sensiblement les recettes, elles seront contraintes de diminuer leurs dépenses. L’institution propose notamment de fixer « par la loi de finances annuelle le taux de revalorisation des valeurs locatives cadastrales » aujourd’hui indexé automatiquement sur l’indice des prix à la consommation, en proposant un niveau de revalorisation inférieur. Rappelons qu’entre 2022 et 2024, en 3 ans, les valeurs locatives cadastrales ont augmenté de 14.4% générant d’importantes recettes fiscales qui ont particulièrement profité aux communes. Elles ont tendance à l’oublier !

L’autre piste en faveur de la réduction des recettes est que l’Etat soit moins généreux à l’égard des collectivités locales, que ce soit au niveau des reversements, des dotations ou des subventions.

Les collectivités doivent participer activement à la réduction des dépenses de l’Etat

Voilà qui risque de déplaire aux élus locaux, trop habitués à profiter des largesses de l’Etat comme si ce n’était pas l’argent du contribuable. Les temps changent. Aujourd’hui l’Etat est exsangue et les collectivités vont devoir se débrouiller seules en faisant elles aussi preuve d’une gestion plus rigoureuse que par le passé. Le temps des vaches maigres est venu pour les collectivités qui ont souvent elles aussi trop souvent vécu au-dessus de leurs moyens, oubliant parfois de se concentrer sur leurs missions régaliennes : petite enfance, éducation, propreté, cadre de vie, sécurité…

La Cour des comptes rappelle au passage que « la participation des collectivités au redressement des finances publiques est justifiée par la part des dépenses locales dans l’ensemble des dépenses publiques (+17.8% en 2023) et par le financement majoritaire des collectivités par des transferts financiers de l’Etat (53.5% de leurs recettes en 2023). »

Adieu les baisses d’impôts, les dépenses dispendieuses à caractère électoraliste et les investissements démesurés et non structurants, trop souvent grassement financés par des subventions d’Etat pour le moins discutables.

Les collectivités locales et notamment les communes, vont devoir faire preuve d’imagination, de rigueur dans leur gestion et surtout avoir une vraie vision prospective, plutôt que de piloter au jour le jour avec une vue électoraliste et en comptant sur la générosité de l’Etat. Cela est bel et bien fini !

Ce que prévoit le Projet de loi de finances (PLF) pour 2025

Dans le cadre du PLF en cours de discussion, les collectivités devront prendre leur juste part à l’effort de redressement budgétaire des finances de l’Etat via une ponction de l’ordre de 5 milliards d’euros sur leurs finances dont 3 milliards lié à la création d’un fonds de réserve au profit des collectivités. Cette contribution ne devrait toutefois impacter que 450 grosses collectivités de + de 40 millions de dépenses de fonctionnement.

Il faudra ajouter le gel du FCTVA (Fonds de compensation TVA) qui sera amputé de 800 millions d’euros en 2025. Le taux de remboursement de la TVA sur investissements sera abaissé de 16.40% à 14.85% alors que les dépenses de fonctionnement seront exclues de l’assiette éligible du FCTVA.

A cela il conviendra d’ajouter une réduction du Fonds vert qui passera de 2.5 milliards à 1 milliards d’euros et une augmentation d’un milliard d’euros des cotisations CNRACL prévu par le projet de loi de financement de la Sécurité sociale.

Pour 2025, la DGF (Dotation globale de fonctionnement) devrait rester stable à 27.2 milliards d’euros au plan national, de même que les dotations d’investissements DETR (Dotation équipement des territoires ruraux), DSI (Dotation soutien investissement local), DSID (Dotation soutien investissement des départements) et DPV (Dotation politique de la ville). Par contre les dotations de péréquation DSU (Dotation de solidarité urbaine) et DSR (Dotation de solidarité rurale) devraient être revues à la hausse.

A ce stade, la suppression de la CVAE (Contribution sur la valeur ajoutée des entreprises) qui a été supprimé pour moitié en 2021, est reportée au moins jusqu’en 2027. Enfin, les 2 168 communes qui avaient été exclues des ZRR entrent dorénavant dans le nouveau dispositif de FRR (France Ruralité Revitalisation) depuis le 01/07/2024.

Les collectivités, comme l’Etat et les français, doivent mettre la main à la poche

Contrairement aux affirmations de certains maires toujours en train de pleurnicher sur leur sort et tout attendre de l’Etat, les communes, contrairement aux intercommunalités, aux départements et aux régions, ont vu leur autonomie financière maintenue du fait de la compensation de la suppression de la taxe d’habitation. Elles oublient que cette suppression coute près de 24 milliards d’euros par an et qu’elles perçoivent aujourd’hui une taxe foncière sur les propriétés bâties pérenne et dont la valeur locative a été fortement revalorisée.

Manifestement, pour les années qui viennent, le temps de l’abondance des fonds d’Etat est révolu pour longtemps. Elles devront compter d’abord sur elles-mêmes sans compter sur la création de nouveaux impôts à leur profit. Les collectivités, comme l’Etat, vont devoir apprendre à faire plus avec moins.

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