Ville de Rodez : La dérive des dépenses de fonctionnement de l'exercice 2023

Intervention de Joseph Donore au Conseil municipal de Rodez du 24/06/2024

Pour la première fois depuis plus de 10 ans, les résultats du CFU (Compte financier unique) 2023 du budget principal font apparaître une forte dégradation des dépenses de fonctionnement de la commune de Rodez.

Alors que les dépenses réelles de fonctionnement étaient d’une grande stabilité autour de 22 à 23 millions d’euros, au titre de l’exercice 2023, le CFU fait apparaître une hausse très importante des dépenses réelles de fonctionnement à 25.6 millions d’euros, soit une augmentation de 2.8 millions d’euros (+12.3%) par rapport à l’exercice 2022 (22.9 millions d’euros). L’augmentation concerne principalement les dépenses à caractère général.

A titre indicatif, les données publiées récemment par la Cour des comptes prévoient une augmentation des dépenses de fonctionnement de l’ordre de 5% au plan national pour 2023. L’augmentation constatée à Rodez de 12.3% reste donc considérable.

A)      L’explosion des dépenses de fonctionnement pour la 1ère fois en 2023

Cette explosion des dépenses de fonctionnement, contrairement à la généralité des communes, ne trouve pas son origine dans les charges de personnels qui sont à Rodez très stables depuis 2008 (mais c’est un autre sujet sur lequel je reviendrai ultérieurement). Les charges à caractère général (chapitre 011) expliquent à elles seules cette dérive des dépenses qui passent de 5.4 millions d’euros en 2022 à 7.7 millions d’euros en 2023, soit +2,3 millions d’euros (+40.57%)

Quelques postes de dépenses concentrent ces augmentations importantes en 2023 :

Libellé

N° cpte

CA 2022

CFU 2023

Variation

Dépenses d’énergie et d’électricité

60612

635 482 €

1 781 544 €

+280 %

Autres dépenses

61358

137 143 €

372 328 €

+271 %

Autres honoraires, conseils…

62268

213 092 €

781 599 €

+367 %

Autres services extérieurs

6288

220 012 €

477 052 €

+217 %

1)      60612 : Les dépenses d’énergie :

La forte augmentation de ces dépenses en 2023, interpelle même si on en connaît globalement l’origine. La plupart des communes ont pourtant réussi à contenir l’augmentation de l’énergie à moins de 100% alors que nous sommes à plus du double à Rodez (280%). Cette augmentation est d’autant plus surprenante que dès 2021, la commune s’est engagée dans une politique de maitrise de l’énergie (réduction des consommations d’électricité et de chauffage, extinction de l’éclairage la nuit, vaste programme de relamping, prestation de conseil en économie d’énergie…). Pourquoi un dérapage d’une telle ampleur ? Aucune explication n’a été donnée par le maire.

2)      62268 : Les dépenses d’honoraires

Elles ont explosé en 2023 de 367% et concernent en grande partie les prestations et les cachets des artistes versés au titre de Festivada via la société Origine Production pour 668 000 €. A noter qu’à ce jour, le compte-rendu financier détaillé de Festivada 2023 n’a toujours pas été fourni aux élus d’opposition malgré leur demande répétée. Pour ma part, je m’interroge également sur l’importance de ces prestations qui paraissent sensiblement supérieures à celles habituellement facturées par d’autres société de production de spectacles. Aucune réponse précise n’a été apporté sur ces prestations.

3)     La forte hausse des dépenses à caractère général s’explique principalement par le coût très élevé de Festivada dont le budget global de 1 194 000 € (hors frais de personnels estimés à 90 000 €) génère une perte nette de 603 000 € alors que le déficit annuel moyen des 3 dernières années de l’Estivada ne dépassait pas 50 000 € !

Disons-le clairement, les résultats financiers de Festivada 2023 (comme cela sera probablement le cas en 2024) sont tout bonnement catastrophiques et traduisent un choix politique pour le moins hasardeux et peu soucieux des deniers publics. Je rappelle que sur un budget global de près 1 200 000 €, les recettes liées à la billetterie ont plafonné à 504 000 €, soit 42% des recettes seulement.

Le déficit de 603 000 € s’explique principalement par un prix d’entrée extrêmement faible qui n’avait d’autre but que d’attirer le plus grand nombre de participants, faisant fi de la concurrence déloyale faite aux festivals voisins et d’un financement exclusivement sur des fonds publics. Peut-on dans ces conditions se réjouir de la fréquentation de Festivada ? Certainement pas.

Est-ce au contribuable ruthénois de payer l’entrée d’un spectacle de variété sachant que plus de 75% des entrées ne sont pas des habitants de la commune ? Est-ce normal de casser les prix de la sorte en faisant payer le contribuable, tout simplement pour pouvoir annoncer 25 000 à 30 000 entrées ? L’examen des tarifs pratiqués par les festivals de la région (Albi, Brive, Le Puy, Millau, Aurillac, Carcassonne…) révèle que les prix pratiqués à Rodez sont moitié moindre par rapport à ceux pratiqués par les communes ou les associations indépendantes du voisinage.

Un rapide comparatif avec le prix des billets pratiqués dans les villes voisines en 2024, avec des artistes comparables, sont riches d’enseignements.

Localité

Nom du festival

Date

Prix moyen

1 soirée

Prix moyen

2 soirées

Prix moyen

3 soirées

Rodez

Festivada

11 au 13/07/24

25 €

 

55 €

Albi (1)

Pause-Guitare

04 au 07/07/24

56 €/64 €

98/105 €

180 € (4 j)

Brive (2)

Brive Festival

11 au 14/07/24

79 €

86 €

126 €

Puy-en-Velay (3)

Nuit St Jacques

18 au 20/07/24

49 €

84 €

120 €

Millau (4)

Natural Games

27-28 & 29/06/24

54 €

72 €

104 €

Aurillac (5)

Festival d’Aurillac

14 au 27/08/24

49 €

85 €

 -

Carcassonne (6)

Festival de Carcass

24/06 31/07/24

49 € à 89 €

Moyenne

6 festivals (sf Rodez)

        2024

54 €

85 €

116 €

  • (1) Asso. Arpège et Trémolos
  • (2) SAS Festival Production
  • (3) Ville du Puy-en-Velay
  • (4) Asso. Comité organisation des Naturals Games
  • (5) Asso Eclat
  • (6) Ville de Carcassonne

La moyenne des prix d’entrées des 6 autres festivals voisins s’établit à 54 € pour une séance (contre 25 € à Rodez) et à 116 € pour un « pass 3 séances » (contre 55 € à Rodez). Les tarifs extrêmement bas pratiqués par la ville de Rodez (moitié prix) n’ont aucune justification pour une collectivité comme le démontre le comparatif régional. Aucune société, collectivité ou association ne peut se permettre de dégager un déficit de 603 000 € pour un festival. Encore moins pour une commune s’agissant d’argent public alors qu’il n’est pas dans ses attributions d’organiser un spectacle de variété financé par le contribuable.

Contrairement aux allégations du maire de Rodez, rappelons que l’Estivada qu’il a tout fait anéantir, générait un déficit les 3 dernières années de moins de 50 000 € seulement pour une manifestation liée à la langue et à la culture occitane qui a vocation à être portée par la collectivité, contrairement à un spectacle de variété.

Il s’agit là d’un choix politique pour le moins coûteux et des plus contestables pour les finances de la ville d'autant plus que d'autres dépenses essentielles de la sphère régalienne ne sont pas satisfaites.

B)      L’épargne du budget principal (CAF)

L’épargne connaît en 2023 une baisse importante par rapport aux années antérieures en raison de la forte augmentation des dépenses de fonctionnement.

 

2020

2021

2022

2023

CAF brûte

9.1 M€

9.7 M€

11.8 M€

7.9 M€

CAF nette

6.8 M€

7.5 M€

10.2 M€

6.1 M€

FRNG

13.2 M€

14.9 M€

8.6 M€

16.7 M€

A noter que l’Epargne nette est en forte baisse à 6 millions d’euros en 2023, principalement du fait de la forte dégradation des dépenses à caractère général qui ont explosé (+40% par rapport à 2022) contre une légère progression au niveau national. Ce qui en dit long sur le dérapage incontrôlé alors même que le principal poste de dépenses, la masse salariale, reste stable.

Enfin, le fond de roulement (FRNG) qui était déjà à un niveau élevé à 8 millions d’euros fin 2022 est en forte progression à plus de 16 millions d’euros en 2023 (plus de 220 jours de dépenses d’exploitation contre un minimum de 30 à 60 jours habituellement). Du jamais vu dans la strate de Rodez ; ce qui n'augure pas d'une saine gestion des finances communales. Cette anomalie s’explique par la compression de la masse salariale depuis 2008 mais aussi par le retard dans la réalisation des investissements ces dernières années.

C)      Un taux de réalisation des investissements extrêmement bas

La section d’investissement fait apparaître un niveau de réalisation d’investissements bas au regard du programme ambitieux inscrit au budget 2023 alors que le fond de roulement est en forte progression.

Le tableau d’exécution budgétaire reprenant la vue d’ensemble des investissements confirme une nouvelle fois que malgré l’annonce d’importants investissements (BP+BS+RAR N-1) s’établit à 25.76 M€, les réalisations de l’exercice s’établissent à 8.83 M€ (soit un taux de réalisation de 34.27%) auxquelles il convient d’ajouter les RAR au 31/12 N-1 de 6.16 M€. Au total, les réalisations effectives se montent à 14.9 M€, soit un taux effectif de réalisation de 57.9% seulement.

Ramené en €/h, les dépenses d’équipement de 2023 sont inférieures à 600 €/h.

Pour rappel, en 2022, ces mêmes dépenses d’équipement atteignaient 21 M€ (y compris l’achat des haras pour 6 M€), soit un taux de réalisation de 81%, soit 800 €/habitant. Hors l'achat des haras, le taux effectif de réalisation n’était que de 61%, soit 650€/h en 2022 au lieu des 81% affichés.

 

Budgetés

(BP+BS+RAR)

Réalisé

Taux

réalisation

Investiss.

€/h

RAR

31/12 N-1

Taux

réalisation

Investiss.

€/h

2023

25 760 005

8 827 537

34.27%

370 €

6 162 216

57.73%

580 €

2022

27 503 546

21 029 137

76.46%

750 €

1 802 217

80.94%

800 €

2021

19 253 668

8 332 388

43.28%

320 €

2 511 000

55.96%

420 €

2020

17 711 861

7 556 290

42.66%

295 €

1 491 743

50.70%

350 €

Au total, le compte financier unique (CFU) 2023 traduit une dérive des certaines dépenses de fonctionnement pour le moins anormale car s'agissant de dépenses non essentielles, au détriment notamment de la compression de la masse salariale depuis 2008 qui ne permet plus à la ville d’avoir un service public à la hauteur des attentes des habitants.

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