Rodez : une ville désendettée au prix fort, avec des services publics exsangues et sans véritable projet structurant pour demain. La politique municipale se résume au clientélisme en vue des prochaines échéances
Intervention de Joseph Donore, au Conseil municipal de Rodez du 15 novembre 2024, concernant le rapport d’orientation budgétaire 2025
La note présentée au Conseil municipal concernant le rapport d’orientation budgétaire pour 2025 fait la part belle à l’autosatisfaction. Un vrai prospectus de campagne : gratuité à tour de bras, baisse massive des impôts, dette zéro, investissements au plus haut….
N’en déplaise à M. le maire, la réalité est bien différente.
« Depuis 2008, la ville aurait baissé 10 fois les taux d’impôts ». Si les taux ont baissé, les cotisations ont toujours augmenté depuis 2008.
Malgré les baisses de taux de la TH de 10% entre 2008 et 2012 et en 216, puis de la TFPB de 5% en 2018, la suppression de l’abattement général à la base de 15% sur les mêmes années, n’a pas permis de constater de réelle baisse de cotisation de TH ou de TFPB pour les contribuables. Seuls quelques foyers bénéficiaires d’un abattement supplémentaire au titre du handicap ou des familles de 1 à 2 enfants avaient pu constater une baisse de leur cotisation de TH en 2008.
En 2025, la baisse du taux de TFPB de 5% votée en septembre dernier conduira à une baisse de cotisation l’an prochain, même si elle sera inférieure du fait de la revalorisation des valeurs locatives.
« Rodez, seule ville moyenne d’Occitanie sans dette » : pas de quoi pavoiser, bien au contraire !
Pourquoi tant d’empressement à tambouriner que Rodez serait une ville avec une dette nulle ? Une idée pour le moins saugrenue qui fait sourire bien des maires !
Petit rappel : la dette consolidée de Rodez (avec les budgets annexes) est passée de 21 millions d’euros début 2008 (800 €/habitants) à 32.8 millions d’euros début 2014 (1 260 €/hab.) à l’issue du 1er mandat. Une augmentation de prés de 12 millions d'euros.
Fin 2023, 10 ans plus tard, il n’y a guère plus qu’un million de dette (celle du budget des parcs de stationnement), soit plus de 31 millions de remboursement de dette, en grande partie par anticipation. Mais à quel prix et pour quoi faire ?
Entre 2014 et 2019, les investissements sont ainsi tombés au plus bas (310 €/habitant contre 330 €/habitant pour la strate). Dans son rapport portant sur les années 2013 à 2018, la CRC avait d’ailleurs constaté « un taux de réalisation des dépenses d’équipement faible » et indiqué qu’il s’agissait là « d’une situation particulièrement anormale ».
Cette réduction massive de la dette s’est également faite au détriment de la masse salariale qui a baissé en euros constant. La baisse des effectifs et de l’encadrement en particulier, avait été relevée par la CRC en 2019. Cette politique s’est poursuivie avec les conséquences que l’on connaît.
La directrice des finances de l’époque et moi-même, avions demandé dès 2020, une pause au niveau des remboursements anticipés de la dette. En vain !
Outre les effets délétères sur la gestion de la ville, cette réduction massive de la dette s’est traduite par une augmentation importante de la trésorerie de la commune qui a atteint des sommets, près de 22 millions d’euros courant 2024. Une telle trésorerie n’est en aucun cas un signe de saine gestion. Elle constitue une véritable anomalie alors même que la DGF perçue par la commune a baissé de 50%.
Dans ce contexte où la situation financière de Rodez a continué à s’améliorer, est-ce bien crédible de pleurnicher aujourd’hui, M. le maire, sur une baisse de la DGF qui a concerné toutes les communes de France ?
La seule comparaison de la dette avec les villes d’Occitanie est absurde et n’a strictement aucun sens.
Si la dette 0 € était un critère de bonne gestion, de nombreuses communes de France n’auraient plus aucune dette, à commencer par celles qui sont régulièrement classées parmi les mieux gérées. Or, il n’en est rien ; bien au contraire. A ma connaissance, aucune commune de France comparable n’a une dette nulle. De même, aucune commune ne dispose d’une trésorerie aussi pléthorique.
A cela, plusieurs raisons. Pour être attractives et efficaces, les communes n’ont d’autres choix que d’arbitrer entre les dépenses de fonctionnement afin de conforter les missions de leurs services publics locaux. Or, chacun le sait, un haut niveau de service a un coût élevé sur lequel on ne peut transiger, sous peine de fournir un service dégradé à la population.
Pour ce qui est de comparer le niveau d’investissement de Rodez avec le département de l’Aveyron et la région Occitanie, c’est tout simplement affligeant. Pourquoi pas à la France ?
Le vrai palmarès des villes les mieux gérées contraste singulièrement avec la situation de Rodez
Comparer oui, mais des choses comparables ! Le tableau communiqué vante la dette zéro de Rodez face à l’ensemble des collectivités d’Occitanie, y compris Toulouse. Cette dernière figure pourtant parmi les villes les mieux gérées de France (Cf. Institut Montaigne). De son côté, la fondation Ifrap (fondation pour la recherche sur les administrations et les politique publiques), cite aussi outre Toulouse : Villeurbanne, Toulon, Limoges, Boulogne-Billancourt, Colombes, Issy-les-Moulineaux, Annecy, Colmar, Quimper…
Ces villes, reconnues pour la qualité de leur gestion, ont toutes pour caractéristique d’avoir une dette moyenne de l’ordre de 650 €/habitant et des charges de personnel autour de 700 €/habitant (contre 550 € pour Rodez) ; des données bien éloignées de Rodez qui prétend pourtant être une référence.
A l’inverse, avec un taux d’investissement de l’ordre de 350 €/habitant seulement, ces mêmes villes réputées bien gérées ont aussi une épargne brute et un fonds de roulement modéré de l’ordre de 250 €/habitant, bien au-dessous de Rodez. Cherchez l’erreur !
L'affirmation selon laquelle : « Rodez aurait un niveau d’investissement très supérieur à la moyenne » ne résiste pas à la comparaison sur une longue période.
La comparaison des investissements n’a de sens que si l’on prend en compte une longue période, y compris les années où les investissements ont été plus faibles.
Au cours du mandat 2014/2019, le niveau moyen d’investissement de Rodez (310 €/hab) se situait au-dessous de la strate. Sur les 10 dernières années (2014/2023), celui-ci est passé à 373 €/hab, contre 340 € pour la strate. Enfin, sur la période 2008/2023, le niveau moyen des dépenses d’investissement se situe à 420 €/hab.
Pas de quoi pavoiser, d’autant plus que la forte variation des investissements, après des années de disette, dénote une vision court-termiste et un manque réel de prospective.
Pour être efficace, les investissements doivent être réfléchis et pensés dans leur globalité et non concentrés sur quelques équipements coûteux dont le caractère structurant reste discutable. Mais l’investissement, ce doit être aussi et surtout l’entretien régulier des bâtiments et des équipements publics. A Rodez, les exemples de vétusté de bâtiments et d’équipements sont hélas légion. Ce qui n’a pas échappé aux ruthénois.
Sur la base de ces données DGCL, on peut en conclure qu’une commune bien gérée est d’abord une commune dont la dette n’est pas le facteur prédominant. Ce qui prime, c’est le compromis entre une maitrise des dépenses de fonctionnement et les moyens accordés aux services municipaux pour leur permettre de rester efficients.
La priorité d’une commune est d’apporter à la population les meilleurs services dans les domaines régaliens qui sont les siens : petite-enfance, école, propreté, cadre de vie, sécurité, culture et animations…
Pour ces raisons, la dette zéro n’est en aucun cas un signe de bonne gestion pour Rodez!
Observations sur les éléments du rapport d’orientations budgétaire pour 2025
Les dépenses réelles de fonctionnement prévues au ROB 2025 à hauteur de 27 M€, restent en forte augmentation par rapport à 2023 où elles avaient déjà explosé à 25.6 M€ (+12.3% contre 6% au niveau national). Pour rappel, elles s’établissaient à seulement 23 millions d’euros en 2022, stables par rapport aux années précédentes. En 3 ans elles auront augmenté de +17.4% en 3 ans.
Les charges à caractère général, qui étaient contenues depuis de longues années autour de 5.5 M€ en 2022, ont dérivé à 7.6 M€ (+40.5%) en 2023. Pour 2025, elles sont estimées à 9 M€, soit une augmentation record de +64% par rapport à 2022.
Une dérive de ces dépenses est d’autant plus inquiétante que des mesures avaient été prises pour réduire la facture énergétique et que les prix sont aujourd’hui stabilisés. Cette forte progression des dépenses s’explique aussi par le coût élevé de F’Estivada qui génère de fortes pertes.
Les dépenses d’investissement pour 2025 sont évaluées à 25 M€. Mis à part des APCP dont les crédits de paiement seraient de 11 M€, aucune information n’a été fournie concernant les autres travaux envisagés. Rappelons que le taux de réalisation qui reste le point faible des investissements à Rodez. On affiche beaucoup mais on réalise peu !
Enfin, dans le cadre du ROB, il aurait été souhaitable de présenter une mise à jour du plan pluriannuel d’investissement (un embryon de PPI avait été présenté en 2020) car il constitue un élément essentiel de prospective et permet aux élus de mieux suivre l’évolution des investissements au fil du mandat.